dimanche 28 janvier 2007

Les cours en cours

Les cactus, les avions, les boulevards, les supermarchés... je crois qu’il est temps que je vous parle de la raison pour laquelle je suis ici: étudier au James E. Rogers College of Law. Les cours ont commencé le 10 janvier et dureront jusqu’à la fin d’avril. Bonne (?) nouvelle: moins de lecture qu’à McGill. Moins bonne (?) nouvelle: il faut être prêt, car la « méthode socratique » est encore à l’honneur.

Pour ceux qui ne la connaissent pas, cette méthode est très simple.
Le professeur de bioéthique demande à quelqu’un au hasard: Mr. Smith, what is principlism?
Réponse: Gulp, I’m sorry Sir, I must not have read that footnote...
Pas de professeur aussi méchant que Kingsfield dans The Paper Chase, mais c’est la même idée... Sans plus attendre, voici la description de mes cours, revue et corrigée:

International Business and Investment Structuring: Incorporation d’entreprises aux Îles Caïman et au Liberia. Techniques d’évasion, euh, d’évitement fiscal.

Employment Law (Individual Employee Rights): Comment licencier sans responsabilité aucune. Comment ne pas donner de raison, surtout si la personne est noire ou handicapée.

Separation of Powers: Répartition du pouvoir entre Bush, Cheney et les généraux. Séparation de dictateurs étrangers devenus encombrants.

Bioethics and Law: Un clone né d’un bocal en état de mort cérébrale est-il une personne? Comment déshériter le porteur des organes de votre chat.

NAFTA & Regional Trade Agreements: Analyse de la possibilité d’exploiter plus de pays qu’actuellement. Petits jouets en bois d’oeuvre et modèle d’avion Embraer en prime.

Election Law: Règle d’élection du juge du canton de West-Middle-of-Somewhere. Biographie des cinq américains qui ont élu Bush.

Federal Courts: Affaires scandaleuses car jugées par des magistrats non-élus. Marbury v. Madison en bonus.

The Supreme Court: Trois mots et demi: Sandra Day O’Connor.

Try not to have a good time ... This is supposed to be educational.
- Charles Schulz, créateur de la bande dessinée Peanuts

mercredi 24 janvier 2007

Trainspotting, plainspotting

A desert should be quiet - right? My first night in Tucson was noisy at times. It wasn’t a roommate’s stereo or a male crow with too much testosterone. Both sounds were familiar, but only one was readily identifiable. This last sound is North America: a train’s insistent fog horn. I can’t imagine what it’s like to live next to the level crossings as I am a few kilometres away! Maybe that’s why there are so many hearing aid stores here...

Not that many passenger trains run through Tucson: only four a week between Dallas and LA. So why the racket? Traded goods, my friends. So that you can buy the thingamajig that’s-so-cool-‘cuz-I-saw-it-on-TV or that unripe-but-we’ll-put-it-in-the-fridge-anyway January tomato, I get to hear many trains at night.

From the tooting to the growling. The other sound I heard was less specific. My guess was jet engines... but why so many, and so loud? Maps provide many answers and they provided one here. In five words: Davis-Monthan Air Force Base. Hugging Tucson city limits is one of the largest AFBs in the United States. This one is best known for the planes that don’t fly (!): over 5,000 mothballed planes enjoy the Arizona sun. But those are quiet...

The noisy ones are of three kinds: fatsos (aka Hercules C-130s), little rascals (A-10 “Tank Killers”) and alpha males (F-16s). Unsurprisingly, the alpha males are noisiest. Hardly a day has gone by without a free airshow in the campus sky. The planes fly low, but sometimes you still only hear them... when you can no longer see them!

Planes, trains... and automobiles. Tucson is car country, antique nation and macho pickup galore! Fortunately, these beasts don’t disturb my sleep. There is a lot of traffic, but few traffic jams. Modern cities with no natural obstacles and an appetite for ashphalt do have some advantages, I guess.

Les avions sont des jouets intéressants mais n'ont aucune utilité militaire.
- Ferdinand Foch

dimanche 21 janvier 2007

Ceci n'est pas un campus

C’est un cap, c’est une péninsule, c’est une métropole! Le campus de l’University of Arizona est un énorme polygone qui fait environ 6,3 kilomètres de circonférence. En ligne droite, on peut marcher environ 2,3 kilomètres sans sortir du campus. Bref, de quoi sérieusement se muscler les mollets!

L’intégration du campus dans le tissus urbain est très inégale. Imaginez le décor: au milieu d’un quartier banlieusard assoupi, on balance quelques bâtiments historiques, quelques modernes, une perspective qui ressemble au National Mall à Washington, des résidences d’une dizaine d’étages, un stade de 56 000 places, des frat houses, des bars poussiéreux, des cafés pimpants, etc.

Le campus est grand, varié, plutôt agréable mais sans réelle unité. Ma résidence est comme ces produits nouveaux et améliorés que l’on nous vend à la télé. Bon prix, bon confort, mais autant d’individualité que la brebis Dolly. Quant au bâtiment principal du College of Law, c’est un bon exemple de la variante méridionale du style néo-brutaliste. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est le style du tout béton, mieux adapté aux francs-tireurs de Sarajevo qu’aux étudiants avides de connaissances. Juste à coté, le bâtiment où j’ai un espace de travail est une maison en brique rappelant celles que l’on voit dans les villes industrielles du Nord-Pas-de-Calais. Je vous jure, ça jure!

Si le campus n’a pas eu de Baron Haussmann, quelqu’un a eu la bonne idée d’aménager des pistes cyclables et des voies pour vélo sur les grandes artères. Nous sommes loin de la Chine et des Pays-Bas, mais dans une civilisation hyper-automobilisée, le campus est une enclave de cyclistes résistant encore et toujours l’envahisseur. Il y a tellement de vélos stationnés à ma résidence qu’il faut que je sois créatif pour trouver un endroit où laisser le mien.

Pour les visuels de ce monde, cherchez les coordonnées 32°13'45.82 Nord 110°57'32.45 Ouest sur Google Earth. Ô surprise, la résidence où j’habite n’existe pas encore. Peut-être que c’est ça, un pays neuf...

If some countries have too much history, we have too much geography.
- William Lyon Mackenzie King

vendredi 19 janvier 2007

Le festin de... qui, au juste?

Un sujet terre à terre, s’il en est un: manger. Avant mon départ, on m’a vanté Tucson comme l’endroit où l’on fait la meilleur cuisine mexicaine aux États-Unis. Je ne sais pas si c’est vrai, mais la cuisine mexicaine d’ici est largement plus authentique que celle que l’on trouve plus au nord - diaspora oblige. Sauf que la présence de la même diaspora affecte les autres cuisines. Je suis allé dans un restaurant grec, un autre indien et encore un autre italien et devinez quelle langue on parlait derrière le comptoir... español, amigos!

L’université regorge aussi de ces bouffatons qui caractérisent toute l’Amérique du Nord, de Truro à Tucson. Globalement, ils sont ni bons, ni mauvais, ni chers, ni bons marchés. L’économiste que je suis explique ce phénomène difficilement: plus il y a de fournisseurs, moins il semble y avoir de choix...

Qu’à cela ne tienne, je vais faire ma propre cuisine. L’épicerie se trouvant dans le centre pour étudiants voisin est chère et ne vend rien de plus qu’un 7 Eleven. Je me renseigne: Do you have a car? Je finis par apprendre qu’il y a une épicerie bio pas loin et un supermarché à un quart d’heure de vélo. Je me lance dans les courses.

L’épicerie bio, sur 4th Avenue, est vraiment très bien. Prix doux et excellente sélection de produits en vrac, introuvables ailleurs. Le supermarché n’a rien de super. Hormis l’usino-bouffe que l’on trouve partout, seuls les fruits et légumes ont bonne mine (la Californie et le Mexique ne sont pas loin). Le rayon charcuterie est à pleurer (tous les paquets disent water added), sans parler des fromages... Quant au poulet que j’ai acheté, il semblait comporter une étrange quantité de... latex!

Tranquillement, je découvre que l’on peut bien manger à Tucson. Mais il y a un problème: le prix. On dépense plus en essence pour trouver le restaurant qu’au restaurant lui-même et/ou les prix sont stratosphériques. Peut-être que l’on veut éloigner les étudiants du péché capital que nous connaissons tous...

Hippies, the saving grace of America!
- Chandos

mercredi 17 janvier 2007

East of California

We all know the myth. American society, some say, is one uniform middle class, with an equally uniform culture. Yet even casual observation shows that this is wrong. Going around Tucson with my lab coat and electronic microscope, I found that homo sapiens sapiens has at least five subspecies here, with occasional crosses.

Studentus: Mostly from out of town and often from out of State, it appears en masse between August and May. Females tend to have dyed blond hair and wear fur boots with mini-skirts. Males favour visible boxers and the backwards cap. Occasionally uses strange expressions, such as "uh-uh" instead of "you’re welcome". Those present in the international trade law LLM are from many countries, except the United States!

Mexicanus: Found everywhere, but not in highly visible concentrations. Hard working, usually owns a shop or an Indian or Greek restaurant. Benefits from some services in its own language, especially that of removal to Mexico.

Midwestus: Tends to be paler than the others. Moved here because it was a better grazing ground, but misses the simple life of Missouri. Tries to forget about the presence of the studentus, mexicanus and hippius.

Pensionus: Present year round, but the population increases during the winter. Burrows in the suburbs near hearing aid retailers. Drives obnoxious SUVs, but kindly volunteers to orient lost studentus at the beginning of each term.

Hippius: Owns a used clothing store on 4th avenue and distributes do-it-yourself impeachment packages for the presidentus. Provides others with organic goods, but may smoke too much of the stock.

Lorsque l’inégalité des conditions est la loi commune de la société, les inégalités les plus marquées ne frappent pas le regard.
- Alexis de Tocqueville

lundi 15 janvier 2007

En attendant... un taxi

Me voilà arrivé. Encore faut-il me déplacer. L’impression initiale de gigantisme se confirme. Quand je demande où se trouve une boutique ou un service, la réponse est invariable: Do you have a car? Kyoto à part, cette ville est l’enfer du piéton.

Passe encore pour le quart d’heure de marche jusqu’au James E. Rogers College of Law. Mais les neuf kilomètres jusqu’au plus proche centre d’achat ou les onze kilomètres (dans la direction opposée) pour acheter un vélo? Non merci. Je fais donc connaissance avec les taxis tucsonais.

Fort instructif, se balader en taxi. D’abord, je découvre la ville. Par réalisme ou par fatalisme, presque personne n’a de pelouse. Un jardin se réduit à de la poussière ocre parsemée de quelques cactus, plantes grasses ou acacias. Les maisons sont basses et manquent de finition - il est vrai que dans une ville où il n’y a pas de système d’évacuation des eaux pluviales, nul besoin d’avoir un toit en kevlar! De ses rues secondaires toutes aussi larges que cahoteuses, la ville a un air d’immense chantier de construction. Les quartiers qui entourent l’Université sont ceux d’une Amérique moyenno-moyenne, que la prospérité frôle parfois mais n’embrasse jamais. Et encore, je ne vous parle pas du trailer park où je suis allé acheter mon vélo...

Et puis, les taxis, c’est aussi les chauffeurs. Ils ne ressemblent pas aux gens qui fréquentent l’Université. J’en ai rencontré deux sortes. Il y a les latinos affables, dont un va jusqu’à me dire (après avoir appris que j’étais étudiant en droit): Not only are you good looking, you’re smart. I’m old, ugly and dumb. Et il y a les rednecks importés du Midwest: western charm certes, mais aussi en faveur de la guerre en Irak et de la soumission des femmes aux hommes.

E pluribus unum... an oxymoron?
- Chandos

dimanche 14 janvier 2007

Vol de jour

Traverser l’Amérique du Nord en avion, c’est contempler son immensité indomptable. Les paysages se succ dent et semblent pourtant infinis. Tout ce qui change, c’est la couleur: bleu du Lac Michigan, beige des grandes plaines, blanc des rocheuses... et soudain, le désert de la Sonora apparaît, dégradé de gris et d’ocre. Puis ce sont des points verts: les terrains de golf autour de Phoenix. Vue des airs, la ville est l’image du continent, interminable.

L’Aérogare Barry M. Goldwater est un mélange de verri res modernes et de tapis brunasses dignes des années 80. Puis c’est le saut de puce jusqu’ Tucson.

Terrebonne, Thornhill, Tucson ou l’Amérique générique. Du taxi qui avale les kilom tres menant l’University of Arizona, je vois défiler le décor répétitif d’un dessin animé: grands magasins, stations services, motels, pr teurs sur gage... Seuls les cactus, les montagnes et le soleil sont un rappel d’altérité. la découverte des grands espaces!

Extremism in the defense of liberty is no vice.
- Barry M. Goldwater, ancien sénateur de l’Arizona