dimanche 21 juin 2009

Sous le Šiauliai de l’Est

Après six mois derrière les (bancs des) barreaux, au début de l’été 2008 un voyage s’imposait. Le choix d’une destination s’est avéré beaucoup plus difficile qu’un examen à choix multiple. Comment – et surtout, où – s’évader de la terre brûlée intellectuelle sans se retrouver dans un endroit tout aussi déplaisant?


L’aiguille du pifomètre pointant vers le nord-est, quelques clics plus tard je me suis retrouvé dans un ancien avion de CanJet recyclé par Air Lithuania. Lituanie... un nom qui évoque rarement plus que l’image des derniers soubresauts de l’Union Soviétique ou peut-être celle de la meilleure équipe de basket-ball d’Europe.


Les troupes soviétiques ont quitté la Lituanie, mais on se demande constamment si les lituaniens ont réellement quitté l’Union Soviétique pour l’Union européenne. En quittant l’aéroport (plus pur style stalinien) de Vilnius dans un autobus qui était déjà désuet dans les années 1970, on se met vite à chercher les affiches monumentales à la gloire du camarade Brejnev. Mais on trouve tout aussi vite des magasins d’électronique qui n’ont rien à envier à ceux d’Europe de l’Ouest et des encombrements causés par d’innombrables projets d’infrastructure.


Les contrastes sont incessants... Après m’être fait jeté dehors du Musée des victimes du génocide (lire: cellules de torture de tous les occupants successifs) de Vilnius par des babouchkas de garde à 16h15 – parce que le musée ferme à 17h – je me suis attablé dans... une pizzeria où le personnel parlait un excellent anglais. Et Vilnius, on l’oublie facilement, était en Pologne en 1939! À Šiauliai, dans un hôtel parsemé d’images montrant la ville rasée en 1918 et en 1945, il y avait la chaîne AB Moteurs à la télé. Comme si une course NASCAR présentée en français ou des films affreusement doublés par un seul acteur en lituanien faisaient oublier que le 20e siècle a été sans pitié pour ce coin d’Europe.


Tout comme les autobus dont les arrêts sont en rase campagne, dans des endroits qui n’ont même pas de nom, la Lituanie se fraie un chemin entre un passé déterminé (et déterminant?) et un avenir incertain. Le gouvernement annonce en grand des concerts où on joue les compositions de Richardas Wagneris ou Georgas Freidrichas Hendelis, mais dans le quartier touristique de Vilnius les magasins de souvenirs ferment à 17h en semaine, le samedi et le dimanche. Il ne sert à rien d’essayer de prononcer trois mots de lituanien pour commander un borscht, de toute façon la serveuse ne comprend rien parce que les haut-parleurs secouent la taverne au son de Macarena et Barbie Girl.


Il faut imaginer une autre Lituanie, loin des grands conflits du 20e siècle . Celle de Trakai et son château médiéval insulaire et celle Šiauliai et son étonnant lieu de pèlerinage, la Colline des croix, donne un aperçu d’un autre passé... mais est-elle porteuse d’avenir?


De la déliquescence post-soviétique au néant post-catholique, la Lituanie donne beaucoup en offrant peu.
- Chandos

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