jeudi 21 juin 2007

Au nom du vidéo, de la musique et des numéros

Au delà des chemises à fleur, chapeaux Tilley et appareils photos jetables, il y a de nombreuses sous-espèces de touristes. Nous connaissons tous le touristus culturex ou le touristus balnearius. En Arizona, c’est le touristus solensis qui domine. Le temps d’une heure, j’ai mué pour devenir un touristus... liturgicus.

La chaleur du désert ne m’a pas rendu religieux - elle ne m’a tout simplement pas rendu moins curieux! À l’invitation de deux amies latino-américaines, j’ai fait ce que font encore beaucoup (trop?) d’Américains le dimanche. Je suis allé à la messe. Une grand’messe à la Falwell, toute aussi fascinante que fascisante, aurait été divertissante. Mais j’ai choisi de me limiter aux drogues douces.

Me voilà donc dans l’église du Newman Center, la grande organisation de pastorale catholique universitaire. Première constatation: la moyenne d’âge est dans la vingtaine! Logique pour une église universitaire, mais ô combien rare. De quoi rendre jaloux les fidèles grisonnants de l’église où j’allais comme louveteau.

Nonobstant Vatican II, les messes catholiques ne sont que de lointaines cousines d’un pays à l’autre. À l’église St. Thomas More, on sentait une forte influence de la Contre-Contre-Réforme, le protestantisme made in the USA. Des petites choses, mais que l’on ne verrait jamais au Mexique, en France ou au Québec. Des numéros affichés pour les cantiques. Se tenir par la main pendant un long moment de la cérémonie. Un orchestre ayant le sens du rythme. Est-ce que cela permet d’être prédestiné au paradis, dans la grande tradition calviniste? À vous d’en juger.

Le clou de la messe: le sermon. Banal, comme observation? Pas quand le sermon est un infomercial, starring the Bishop of Tucson. Vous l’aurez deviné, ite missa est a été remplacé par « My name is Father Rolland, and I approved this video »!

Fini l’âge de pierre de l’annonce dans le bulletin paroissial. L’Église a besoin d’argent pour ses oeuvres et suggère la dime volontaire. Mais s’il y a une obligation morale et que les indulgences n’existent plus, ne s’agit-il pas de taxation without representation?

The USA and religion, two great mysteries, two great paradoxes.
- Chandos

mercredi 30 mai 2007

Brillant... comme une opale

Je suis de retour au Canada (ce qui explique mon récent silence), mais l’Arizona continuera à être une source d’inspiration, pendant au moins quelques semaines.

Un cliché, s’il en est un: les États-Unis sont le pays où tout est possible, tant que les billets verts sont au rendez-vous. Le plus gros morceau de cheese cake, le terrain de golf en plein désert, la quinzième chirurgie esthétique... et le plus gros salon de vente de pierres précieuses in the world.

J’ai profité d’un samedi après-midi pour aller dans le quartier habituellement assoupi du centre des congrès. Pour une fois, ce n’était pas l’heure de la siesta! Mon vélo m’a protégé des embouteillages et des stationnements aussi énormes que remplis. Et j’avais aussi la chance de ne pas faire partie des infortunés touristes n’ayant pas réservé une chambre d’hôtel un an à l’avance... Mon billet d’entrée au Tucson Gem & Mineral Show acheté, je suis rentré dans la caverne d’Ali Baba - en espérant ne pas y trouver de voleurs!

J’ai rapidement été envoûté par l’endroit, ou plutôt par les centaines d’exposants, dont j’ai tout aussi rapidement perdu le compte. Venu des quatre coins du monde, les exposants étalaient assez de marchandise pour faire rougir (verdir? bleuir?) les familles royales européennes et les grands musées américains.

Sans expertise, budget ou désir de payer des droits de douanes à mon retour au Canada, je me suis limité à quelques menus achats, dont d’originales assiettes en pierre fossilifère en provenance du Maroc. Ça n’a pas empêché mes yeux de voir beaucoup plus grand que mon portefeuille. Le thème de l’année était l’opale, le joyau multicolore du continent australien. La sélection valait celle des grandes boutiques de Sydney, les prix aussi.

Si brillantes soient elles, les opales manquent de forme. Au mieux, il s’agit de carpaccio de pierre précieuse à monter sur un collier. À l’exception de quelques pièces de musée, on peut dire la même chose des diamants, émeraudes, saphirs et rubis. L’Américain temporaire en moi voulait voir quelque chose de plus spectaculaire, the biggest, the best.

Mes prières ont été particulièrement efficaces, peut-être grâce à tous les preachers du coin. Du côté des pierres semi-précieuses, les étalages attiraient tant le chaland que l’acheteur sérieux avec du bling bling de géologue. Vous avez bien lu. Jamais je n’avais vu de veines d’améthyste plus grandes que moi! Sans parler des cristaux gros comme mon avant-bras... Éblouis par leur marchandise ou capitalistes sans ménagement, les vendeurs n’hésitaient pas à proposer d’énormes pièces pour des montants dans les six chiffres. Je préfère ne pas imaginer ce qu’il faudrait dépenser pour construire un salon accueillant une fontaine minérale de 50 000 dollars!

À défauts d’avoir de l’argent plein les poches, je suis sorti avec des cailloux plein les yeux.

Sometimes glass glitters more than diamonds because it has more to prove.
- Terry Pratchett, fantasy author

dimanche 22 avril 2007

We Are Rogers

At first glance, all law schools I’ve attended are alike. McGill, Toronto and Arizona each have their neo-brutalist building, their sprawling library and their overworked coffee machines. But bricks, books and (bad) coffee are not what law schools are about. Really. It’s all about the people, you see. Of the people, by the people, for the people...

After having described Tucsonans in general in a previous post, here is a description of Rogers sub-species. Even if I’m a gumshoe sociologist, I can provide a good explanation for the name of this rare (but sometimes dangerous) breed: James E. Rogers (a graduate of the class of ‘62) gave 15 million dollars to the College of Law. Which brings me to my first topic: money. Unsurprisingly, most students have an affluent background. Try working on minimum wage and paying $8,000 to $12,000 a year just in tuition! In fairness, this is no different than other law schools I’ve studied in, and tuition here is relatively low by US standards.

After the wallet come the faces (even my lawyer-self tells me this order is wrong). Visually, the College is rather diverse: whites, natives, various asian groups, etc. Only blacks are conspicuously almost entirely absent. Beyond a face, culture lurks in all homo rogersensis. Perhaps surprisingly, perhaps not, culture is much more homogenous than faces would suggest. A part from a few Puerto Rican exchange students and the dozen or so graduate students, I’ve met no one who grew up outside the US and only a handful that speak any other language than English. Perhaps Tucson is not that attractive to first generation immigrants...

The politics of most students are predictable. Compared to Arizona’s Goldwater-esque backdrop, students at Rogers are nothing less than far-left freaks. Which makes McGill students stalino-maoists... From a more objective point of view, most are part of a group the French have named so well: the caviar left.

Another characteristic that simply cannot be overlooked is exactly that, look. Compared to other law schools I have attended, Rogers is by far the most conservative. Few worn-out jeans. No provocative t-shirts. Too many long skirts and buttoned-down shirts. For many, it seems, anytime is interview time...

Last but not least, weltanschauung. Students at Rogers are honest, smart and hard-working, but overly obsessed about their future. Count me in.

Je voudrais bien savoir où est l'école où l’on apprend à sentir.
- Denis Diderot

dimanche 8 avril 2007

Le spectacle est où???

À chaque contrée sa religion. L’Ouest Américain, terre de preachers? Peut-être. Terre de basketball? Certainement! Le niveau d’obsession pour le petit ballon orange qui rebondit s’approche de celui des étudiants en droit concernant leurs notes, ce qui n’est pas peu dire. Intéressé à défaut d’être catéchumène, il fallait que j’assiste au rituel en personne au moins une fois. N’aurait pas été digne de cette université un étudiant de passage ne faisant pas l’effort de rencontrer le couple de mascottes de l’université, (le très intimidant) Wilbur Wildcat et (la plus douce) Wilma Wildcat.

Il aurait été plus facile pour moi d’entrer dans une église, une mosquée, un centre nouvel âge ou un complexe d’allées de quilles. Certaines religions sont en perte de vitesse, mais pas celle du slam dunk. En gros, les adeptes ont deux choix. Il est possible de faire sa confirmation sans attendre: acheter un billet de saison à un prix ne défiant pas la concurrence... puisqu’il n’y a pas d’équipe de sport professionnelle à Tucson. La seule autre option: se conformer aux 287 commandements de leur site Internet et espérer qu’il reste des places 3 ou 4 jours avant le match, seul moment où les goys ont le droit d’en acheter.

Comme la session d’hiver correspond à la fin de la saison, aucun intérêt d’acheter un billet de saison. J’ai donc rameuté quelques amis et attendu la date fatidique, quatre jours avant la partie UA - University of Washington. Comble de chance, le grand manitou contrôlant le site des Wildcats m’a permis d’acheter des places. Mais le choix était limité: general seating ou... general seating. Le seul avantage de ces places, a priori, était leur prix plutôt bas.

Le Jour-J à l’Heure-H, je me présente à la grand-messe. Le stade de 12 000 places est presque plein. À ma grande surprise, la place que je trouve est plutôt bien située: à mi-hauteur, derrière un des paniers. Et le spectacle commence bien avant la partie. Les cheerleaders remplacent avantageusement les enfants de cœur. On apprécie aussi le fait de pouvoir manger des aliments encore pires qu’une hostie dans un bâtiment religieux. Quant à Wilbur et Wilma, ils ont nettement plus d’énergie qu’un bonze!

Je me rends vite compte que le vrai spectacle est dans la foule, juste devant moi. Et c’est là que ma place gagne soudainement en valeur. La section devant la mienne s’appelle la Zona Zoo. Comme le nom l’indique, on offre des billets bon marchés pour de bonnes places à des étudiants pour qu’ils... transforment l’endroit en zoo. Avec le gros orchestre situé dans la section, les chansons, les invectives se suivirent, sans parler des gestes non recommandés aux enfants. Sans parler de la pratique de tourner le dos au terrain lors de l’entrée de l’équipe adverse, ou de celle de rester debout toute la partie!

Certes, il y a aussi eu la partie de, euh... ah oui, de basketball. Les Wildcats ont gagné sans problème. Mais le vrai spectacle était ailleurs, dans la foi indisciplinée des parfaits.

A casual stroll through the lunatic asylum shows that faith does not prove anything.
- Friedrich Nietzsche

mercredi 21 mars 2007

Je l’ai vu à la télé

À Montréal, Ottawa ou Paris je regarde la télé à peine une demi-heure par semaine. Au Vanuatu, ce fut une demi-heure en deux mois! Les raisons sont multiples: manque de temps, nouvelles sur internet sans pubs, seulement les chaînes hertziennes à Montréal...

Autre pays, autre mœurs! Ici, je vis essentiellement seul. Mes colocataires ont tous des horaires différents, donc nous passons peu de temps ensemble quotidiennement. Pour la première fois de ma vie, je mange la grande majorité de mes repas seuls. Pas de réfectoire comme quand j’étais en résidence à l’Université de Toronto... Et, comme le dit une des collègues mexicaines, manger seul, c’est ennuyant! Pour briser la monotonie des coupons de pizzeria qui parsèment notre frigo et du plancher blanc-qui-n’est-plus-trop-blanc, rien de plus facile que le meilleur ami de l’homme: la télévision. D’une demi-heure par semaine, je suis passé à 2-3 heures par jour.

Jamais de ma vie avais-je regardé autant de télévision. Le canado-français que je suis se dit: Chouette, je vais pouvoir regarder TV5, BBC World, RDI et LCI... ou pas! Les chaînes de « nouvelles » ici sont sensationnalistes, nombrilistes et pleins d’autres mots qui finissent en -iste! CNN est parfois intéressant mais a le défaut de ne presque jamais faire de sommaire, préférant se concentrer sur des sujets d’une pertinence incroyable. Aujourd’hui: Boy scout lost in North Carolina wilderness. Il a été retrouvé - tant mieux pour lui, mais, honnêtement, on s’en fout! Il y a aussi les chaînes locales, dont les nouvelles sont utiles pour la météo et pour savoir à quelle intersection il y a eu un accident de tricycle... mais pas grand chose de plus. Quant à Fox, c’est une bande de ... (mot commençant par f et finissant en -iste).

Faute de nouvelles, il faut que je me rabatte sur autre chose. Les sitcoms avec des publicités vantant la dernière pilule pour le cholestérol toutes les cinq minutes, très peu pour moi... Les chaînes sportives ou style télé-achats, encore pire. Bref, je passe une bonne partie de mon temps devant le petit (14 pouces) écran à regarder des documentaires sur le History Channel. C’est parfois instructif, parfois de la révision et parfois déplaisant. Essayez, vous, de manger votre hamburger ou votre taboulé en regardant des images des kurdes gazés par Saddam Hussein!

Quand le poids de l’histoire est trop grand, un coup sur la télécommande et c’est l’autre poste que je regarde beaucoup, le Discovery Channel. La chaîne est un drôle de mélange de science, de télé-réalité, de sports extrêmes et de bouffonnerie. Du détail de la fabrication d’un disque vinyle au touriste perdu dans la jungle bolivienne pendant un mois et au fou qui fait du base jumping au Grand Canyon en plongeant dans l’abîme au volant d’une moto, je l’ai vu à la télé! Saviez-vous qu’avec de l’oxyde d’azote comme comburant et un salami italien pelé comme carburant (vous avez bien lu), c’est possible de propulser une fusée à plus de 200 mètres dans les airs? C’est une des très nombreuses choses que j’ai appris à l’émission Mythbusters. Certainement loufoque et tout aussi inutile, mais au moins, avec ce que je regarde, je pourrais accomplir la prédiction du livre souvenir de ma dernière année de lycée: Will make Jeopardy go bankrupt.

Fernsehen macht frei.
- Chandos

mercredi 7 mars 2007

Of Politics and Men

For some, diamonds last forever. For me, that is only true of US election campaigns! The test for this is very simple: turn on your TV. CNN is already proudly broadcasting a perpetually recycled feature: America Votes 2008. Weren’t the last elections less than 6 months ago? It’s hard to say exactly what powers this frenzy - legitimate popular interest, fixed election dates, the need for campaign donations or simply the need to fill up air time? After all, even if your anchors are trained to repeat the same thing 20 times, it’s hard to get more than a few weeks’ content on some well-endowed blonde woman’s untimely death...

Aspiring politicians beware: unending campaigning seems matched by everlasting indifference. Some people are interested and dedicated. Others stay informed. Most, well, worry more about their weight than who the next group in Washington, DC or Phoenix will be. Actually, my non-scientific study of American television shows that about as much time is devoted to weight-loss products as to political issues of the day... Since CNN uses the slogan CNN = Politics, I suggest that they start using the equally appropriate CNN = Slimfast.

In the land of the biggest SUVs, malls and hotdogs on earth, only the biggest stories get attention. So, you want to know what the county or state government are doing? Perhaps you will find this buried in a local newspaper (Tucson Citizen, anyone?), but good luck hearing about it on television, even when it’s time for local news - after all, tear-jerking car accidents are much better for ratings. This super-hero syndrome of the media affects what most people see of politics: soldiers dying in Iraq (endless coverage on Fox guaranteed), a White House underling convicted for lying to a federal grand jury and, of course, the sex-scandal-of-the-week.

Fortunately, not all is rotten in the Kingdom of Vote-For-Me. Occasionally, politicians step down from their spin-doctored press conferences for live debates. This was popularized by CNN’s show Crossfire and is now fairly common on many channels. The last debate I saw was John McCain vs. Ted Kennedy - both of which have been around for so long that they are bound to know the issues!

What are the leanings of Arizona, you may ask. In typical American fashion, the state votes for Republican presidents but has a Democrat governor. Contradiction or pragmatism? I’ll let you make up your mind. Also, this state has been shaped by a direct democracy ideal. So, if you have always dreamed of electing an underwear seam inspector, you know where to move!

La politique, c'est comme l'andouillette. Ca doit sentir un peu la merde, mais pas trop.
- Édouard Herriot

jeudi 1 mars 2007

Par demande populaire

C’est le printemps à Tucson! L’hiver a été rude: pluie une fois par semaine, température ne dépassant pas 20 degrés (Celsius, évidemment)... Finalement, des feuilles réapparaissent sur les arbres (pas sur les cactus, pardi). Presque chaque fois que je parle à quelqu’un des contrées nordiques - Paris, Montréal ou Ottawa - on me demande des nouvelles de Dame Nature, Tucson Style. Comme un bon gouvernement (libéral), j’obtempère...

Sachez que le climat du désert de la Sonora et donc du sud de l’Arizona est plutôt agréable, surtout quand on le compare à celui du reste de l’hémisphère nord en cette saison. Il pleut très peu - environ une fois tous les 10 jours selon mes calculs pas du tout scientifiques. En six semaines, je n’ai vraiment été mouillé par la pluie qu’une seule fois. Cette fois-là, les lignes de Weight Watchers ont été engorgées par des cactus ne pouvant plus supporter leur image! Si vous cherchez de l’eau de surface à Tucson, vous allez vous retrouver dans une piscine ou une fontaine. Il y a une brève mousson qui cause des inondations, mais ce ne sera pas avant cinq ou six mois...

Quant à la température proprement dite, il ne fait pas aussi chaud que le veut la légende. Depuis mon arrivée, je n’ai vraiment eu chaud qu’en allant faire une randonnée de montagne en plein soleil. Comme nous sommes dans un désert, la principale source de chaleur est cette bombe atomique aussi connue sous le nom de soleil. Le jour, la température monte jusqu’à 20-22 degrés. La nuit, elle tombe souvent sous 10 degrés. Oubliez votre parka, un chandail est largement suffisant...

N’ayez crainte, au milieu de cette mi-saison indescriptible, nous avons eu un hiver! Si, si, un hiver à une heure de la frontière mexicaine. Un soir, il a neigé - environ 5 centimètres - et la neige a tenu jusqu’au lendemain midi. Aussi, un matin de janvier, les flaques d’eau étaient gelées. Parole de tucsonais, conduisons plus nos VUS pour accélérer le réchauffement de la planète!

If you can't stand the heat, get out of the kitchen.
- Harry S. Truman

jeudi 22 février 2007

Histoire de dire

Le passé de Tucson est un mélange d’histoire glorieuse et d’amnésie profonde. Cette région est la première des États-Unis a avoir été colonisée par les européens (des espagnols), avant la fondation de Québec et l’arrivée des pilgrim fathers à Plymouth. Pourtant, la ville d’aujourd’hui est à peu près aussi vieille qu’un nouveau-né.

Ce qui est aujourd’hui le sud de l’Arizona et du Nouveau-Mexique fut le dernier territoire bénéficiaire (ou victime) de la Manifest Destiny - acheté au Mexique pour dix millions de dollars en 1853. Cette transaction, connue sous le nom de Gadsden Purchase, a fait de la région un pays neuf. Mais les colons ne se sont pas bousculés au portillon; l’aridité de la région la rendait inhospitalière. Les agriculteurs ne voulant pas répéter l’expérience de l’Oklahoma, la région est restée presque vide. Seule le chemin de fer transcontinental et les desperados l’attaquant rendaient l’endroit vivant...

Tucson s’est vu attribuer la première université territoriale en 1885, comme prix de consolation - Phoenix s’était vu accorder un hôpital psychiatrique mieux doté! La ville a grandi lentement, très lentement... il y avait moins de 40 000 habitants en 1945. Le changement incroyable depuis se résume en deux mots: Sun Belt. Retraités et entreprises de haute-technologie ont transformé la ville, qui a aujourd’hui un million d’habitants.

Il n’y a rien de vieux à Tucson. Les quartiers historiques existent sur les plans, mais ils sont à peu près aussi historiques que votre walkman des années 80. Et cela tient du miracle de rencontrer quelqu’un qui est né à Tucson. Sans doute que les boulevards et strip malls seront un jour historiques, mais ce jour n’est pas encore arrivé!

Arizona has a long history and a short memory.
- Chandos

vendredi 9 février 2007

Fencin’ USA

So how should I stay in shape in burger-nacho land? My residence has the usual treadmills and stair masters, which are good enough to keep me in shape - for about two minutes. The machines have nice personalities, but we just don’t have chemistry together. Fortunately, I had a long standing back-up plan.

Before coming to Arizona, I had decided to import a hobby from home: fencing. The challenge is that fencing alone is even less interesting than bowling alone. So I hit the Internet. Surely, a university that values sports enough to have a 56,000 seat stadium will have a fencing team or club... or not. I discovered the U of A was fencerless, but the same research also provided another hit: the Arizona Fencing Academy.

Upon arriving in Tucson, I phoned the number on the website. A sturdy voice told me to come to an address on Broadway Boulevard - I can now say I’ve fenced on Broadway! A few days later, I show up. The address corresponds to an industrial strip mall, with a Christian right billboard on top of it.

Between a taco stand a VCR repair business, there are tinted windows and a door with small glued-on letters: AFA. When I push the door, touché meets U-Haul. An industrial space has been converted into a large fencing gym, with modern equipment. Since that discovery, I have been going twice a week. The coach, to whom I had talked on the phone, is indeed sturdy - and she knows what she wants. Let me tell you, that fencing coach trait simply transcends borders...

Perhaps FedExing my fencing bag across North America was geeky. But you have to admit that there is something cool in being able to say: I got speared in Sonora.

L'esprit ne peut rien contre l'épée, mais l'esprit uni à l'épée est le vainqueur éternel de l'épée tirée pour elle-même.
- Albert Camus

jeudi 1 février 2007

Honeste vivere, etc.

Peut-être ai-je été un peu acide dans certains messages précédents. Mais, pour accompagner les tomates (ou les cactus?), les américains méritent aussi des fleurs. Jamais je n’avais habité dans un endroit où les gens sont aussi polis. Les gens s’excusent constamment, pour tout et pour rien - au point où on finit par les imiter de peur de paraître impoli! Certains y voient peut-être un manque de confiance, j’y vois de la courtoisie. Je n’avais jamais vu de piétons s’excuser d’avoir traversé à un passage à niveau alors que je passais en vélo...

Prenons l’exemple classique d’incivisme (surtout à Montréal et Paris): la rage au volant. Pas de ça ici. Quand je circule en vélo sur un boulevard à quatre voies, c’est à peine si les automobilistes osent me doubler par la voie du centre... et encore, ils le font généralement à 30 km/h! Et à ceux qui me diront que l’automobiliste est bon mais que c’est la route qui le corrompt, je réponds que les routes ne sont pas moins larges à Oshawa ou Évry qu’à Tucson.

Passons à un autre examen, que certains pays - que je n’ai pas besoin de mentionner - échouent avec un zéro pointé: l’attitude des vendeurs dans les magasins. J’ai perdu le compte du nombre de fois où je me suis fait demander: Are you finding everything you’re looking for? Aussi, les caissiers regardent le nom sur la carte de crédit pour pouvoir dire: Thank you, Mr. Morissette. Et attention, il n’y a pas de magasin Gucci ou Mont Blanc à Tucson: je relate mes expériences au supermarché et au Wal-Mart.

S’il est vrai qu’à la télé, les jurons sont censurés, nul besoin de le faire dans la vie de tous les jours: on en n'entend quasiment jamais. Et pour ce qui est des détritus qui jonchent trop souvent nos villes, ici, je continue à les chercher. Bref, peut-être que les Américains jouent maintenant aux quilles tous seuls, mais ils ont quelques leçons de civisme à nous apprendre...

Honeste vivere, alteram non laedere, suum cuique tribuere.
- Justinien, Instituts, livre I, titre I, art. 3

dimanche 28 janvier 2007

Les cours en cours

Les cactus, les avions, les boulevards, les supermarchés... je crois qu’il est temps que je vous parle de la raison pour laquelle je suis ici: étudier au James E. Rogers College of Law. Les cours ont commencé le 10 janvier et dureront jusqu’à la fin d’avril. Bonne (?) nouvelle: moins de lecture qu’à McGill. Moins bonne (?) nouvelle: il faut être prêt, car la « méthode socratique » est encore à l’honneur.

Pour ceux qui ne la connaissent pas, cette méthode est très simple.
Le professeur de bioéthique demande à quelqu’un au hasard: Mr. Smith, what is principlism?
Réponse: Gulp, I’m sorry Sir, I must not have read that footnote...
Pas de professeur aussi méchant que Kingsfield dans The Paper Chase, mais c’est la même idée... Sans plus attendre, voici la description de mes cours, revue et corrigée:

International Business and Investment Structuring: Incorporation d’entreprises aux Îles Caïman et au Liberia. Techniques d’évasion, euh, d’évitement fiscal.

Employment Law (Individual Employee Rights): Comment licencier sans responsabilité aucune. Comment ne pas donner de raison, surtout si la personne est noire ou handicapée.

Separation of Powers: Répartition du pouvoir entre Bush, Cheney et les généraux. Séparation de dictateurs étrangers devenus encombrants.

Bioethics and Law: Un clone né d’un bocal en état de mort cérébrale est-il une personne? Comment déshériter le porteur des organes de votre chat.

NAFTA & Regional Trade Agreements: Analyse de la possibilité d’exploiter plus de pays qu’actuellement. Petits jouets en bois d’oeuvre et modèle d’avion Embraer en prime.

Election Law: Règle d’élection du juge du canton de West-Middle-of-Somewhere. Biographie des cinq américains qui ont élu Bush.

Federal Courts: Affaires scandaleuses car jugées par des magistrats non-élus. Marbury v. Madison en bonus.

The Supreme Court: Trois mots et demi: Sandra Day O’Connor.

Try not to have a good time ... This is supposed to be educational.
- Charles Schulz, créateur de la bande dessinée Peanuts

mercredi 24 janvier 2007

Trainspotting, plainspotting

A desert should be quiet - right? My first night in Tucson was noisy at times. It wasn’t a roommate’s stereo or a male crow with too much testosterone. Both sounds were familiar, but only one was readily identifiable. This last sound is North America: a train’s insistent fog horn. I can’t imagine what it’s like to live next to the level crossings as I am a few kilometres away! Maybe that’s why there are so many hearing aid stores here...

Not that many passenger trains run through Tucson: only four a week between Dallas and LA. So why the racket? Traded goods, my friends. So that you can buy the thingamajig that’s-so-cool-‘cuz-I-saw-it-on-TV or that unripe-but-we’ll-put-it-in-the-fridge-anyway January tomato, I get to hear many trains at night.

From the tooting to the growling. The other sound I heard was less specific. My guess was jet engines... but why so many, and so loud? Maps provide many answers and they provided one here. In five words: Davis-Monthan Air Force Base. Hugging Tucson city limits is one of the largest AFBs in the United States. This one is best known for the planes that don’t fly (!): over 5,000 mothballed planes enjoy the Arizona sun. But those are quiet...

The noisy ones are of three kinds: fatsos (aka Hercules C-130s), little rascals (A-10 “Tank Killers”) and alpha males (F-16s). Unsurprisingly, the alpha males are noisiest. Hardly a day has gone by without a free airshow in the campus sky. The planes fly low, but sometimes you still only hear them... when you can no longer see them!

Planes, trains... and automobiles. Tucson is car country, antique nation and macho pickup galore! Fortunately, these beasts don’t disturb my sleep. There is a lot of traffic, but few traffic jams. Modern cities with no natural obstacles and an appetite for ashphalt do have some advantages, I guess.

Les avions sont des jouets intéressants mais n'ont aucune utilité militaire.
- Ferdinand Foch

dimanche 21 janvier 2007

Ceci n'est pas un campus

C’est un cap, c’est une péninsule, c’est une métropole! Le campus de l’University of Arizona est un énorme polygone qui fait environ 6,3 kilomètres de circonférence. En ligne droite, on peut marcher environ 2,3 kilomètres sans sortir du campus. Bref, de quoi sérieusement se muscler les mollets!

L’intégration du campus dans le tissus urbain est très inégale. Imaginez le décor: au milieu d’un quartier banlieusard assoupi, on balance quelques bâtiments historiques, quelques modernes, une perspective qui ressemble au National Mall à Washington, des résidences d’une dizaine d’étages, un stade de 56 000 places, des frat houses, des bars poussiéreux, des cafés pimpants, etc.

Le campus est grand, varié, plutôt agréable mais sans réelle unité. Ma résidence est comme ces produits nouveaux et améliorés que l’on nous vend à la télé. Bon prix, bon confort, mais autant d’individualité que la brebis Dolly. Quant au bâtiment principal du College of Law, c’est un bon exemple de la variante méridionale du style néo-brutaliste. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est le style du tout béton, mieux adapté aux francs-tireurs de Sarajevo qu’aux étudiants avides de connaissances. Juste à coté, le bâtiment où j’ai un espace de travail est une maison en brique rappelant celles que l’on voit dans les villes industrielles du Nord-Pas-de-Calais. Je vous jure, ça jure!

Si le campus n’a pas eu de Baron Haussmann, quelqu’un a eu la bonne idée d’aménager des pistes cyclables et des voies pour vélo sur les grandes artères. Nous sommes loin de la Chine et des Pays-Bas, mais dans une civilisation hyper-automobilisée, le campus est une enclave de cyclistes résistant encore et toujours l’envahisseur. Il y a tellement de vélos stationnés à ma résidence qu’il faut que je sois créatif pour trouver un endroit où laisser le mien.

Pour les visuels de ce monde, cherchez les coordonnées 32°13'45.82 Nord 110°57'32.45 Ouest sur Google Earth. Ô surprise, la résidence où j’habite n’existe pas encore. Peut-être que c’est ça, un pays neuf...

If some countries have too much history, we have too much geography.
- William Lyon Mackenzie King

vendredi 19 janvier 2007

Le festin de... qui, au juste?

Un sujet terre à terre, s’il en est un: manger. Avant mon départ, on m’a vanté Tucson comme l’endroit où l’on fait la meilleur cuisine mexicaine aux États-Unis. Je ne sais pas si c’est vrai, mais la cuisine mexicaine d’ici est largement plus authentique que celle que l’on trouve plus au nord - diaspora oblige. Sauf que la présence de la même diaspora affecte les autres cuisines. Je suis allé dans un restaurant grec, un autre indien et encore un autre italien et devinez quelle langue on parlait derrière le comptoir... español, amigos!

L’université regorge aussi de ces bouffatons qui caractérisent toute l’Amérique du Nord, de Truro à Tucson. Globalement, ils sont ni bons, ni mauvais, ni chers, ni bons marchés. L’économiste que je suis explique ce phénomène difficilement: plus il y a de fournisseurs, moins il semble y avoir de choix...

Qu’à cela ne tienne, je vais faire ma propre cuisine. L’épicerie se trouvant dans le centre pour étudiants voisin est chère et ne vend rien de plus qu’un 7 Eleven. Je me renseigne: Do you have a car? Je finis par apprendre qu’il y a une épicerie bio pas loin et un supermarché à un quart d’heure de vélo. Je me lance dans les courses.

L’épicerie bio, sur 4th Avenue, est vraiment très bien. Prix doux et excellente sélection de produits en vrac, introuvables ailleurs. Le supermarché n’a rien de super. Hormis l’usino-bouffe que l’on trouve partout, seuls les fruits et légumes ont bonne mine (la Californie et le Mexique ne sont pas loin). Le rayon charcuterie est à pleurer (tous les paquets disent water added), sans parler des fromages... Quant au poulet que j’ai acheté, il semblait comporter une étrange quantité de... latex!

Tranquillement, je découvre que l’on peut bien manger à Tucson. Mais il y a un problème: le prix. On dépense plus en essence pour trouver le restaurant qu’au restaurant lui-même et/ou les prix sont stratosphériques. Peut-être que l’on veut éloigner les étudiants du péché capital que nous connaissons tous...

Hippies, the saving grace of America!
- Chandos

mercredi 17 janvier 2007

East of California

We all know the myth. American society, some say, is one uniform middle class, with an equally uniform culture. Yet even casual observation shows that this is wrong. Going around Tucson with my lab coat and electronic microscope, I found that homo sapiens sapiens has at least five subspecies here, with occasional crosses.

Studentus: Mostly from out of town and often from out of State, it appears en masse between August and May. Females tend to have dyed blond hair and wear fur boots with mini-skirts. Males favour visible boxers and the backwards cap. Occasionally uses strange expressions, such as "uh-uh" instead of "you’re welcome". Those present in the international trade law LLM are from many countries, except the United States!

Mexicanus: Found everywhere, but not in highly visible concentrations. Hard working, usually owns a shop or an Indian or Greek restaurant. Benefits from some services in its own language, especially that of removal to Mexico.

Midwestus: Tends to be paler than the others. Moved here because it was a better grazing ground, but misses the simple life of Missouri. Tries to forget about the presence of the studentus, mexicanus and hippius.

Pensionus: Present year round, but the population increases during the winter. Burrows in the suburbs near hearing aid retailers. Drives obnoxious SUVs, but kindly volunteers to orient lost studentus at the beginning of each term.

Hippius: Owns a used clothing store on 4th avenue and distributes do-it-yourself impeachment packages for the presidentus. Provides others with organic goods, but may smoke too much of the stock.

Lorsque l’inégalité des conditions est la loi commune de la société, les inégalités les plus marquées ne frappent pas le regard.
- Alexis de Tocqueville

lundi 15 janvier 2007

En attendant... un taxi

Me voilà arrivé. Encore faut-il me déplacer. L’impression initiale de gigantisme se confirme. Quand je demande où se trouve une boutique ou un service, la réponse est invariable: Do you have a car? Kyoto à part, cette ville est l’enfer du piéton.

Passe encore pour le quart d’heure de marche jusqu’au James E. Rogers College of Law. Mais les neuf kilomètres jusqu’au plus proche centre d’achat ou les onze kilomètres (dans la direction opposée) pour acheter un vélo? Non merci. Je fais donc connaissance avec les taxis tucsonais.

Fort instructif, se balader en taxi. D’abord, je découvre la ville. Par réalisme ou par fatalisme, presque personne n’a de pelouse. Un jardin se réduit à de la poussière ocre parsemée de quelques cactus, plantes grasses ou acacias. Les maisons sont basses et manquent de finition - il est vrai que dans une ville où il n’y a pas de système d’évacuation des eaux pluviales, nul besoin d’avoir un toit en kevlar! De ses rues secondaires toutes aussi larges que cahoteuses, la ville a un air d’immense chantier de construction. Les quartiers qui entourent l’Université sont ceux d’une Amérique moyenno-moyenne, que la prospérité frôle parfois mais n’embrasse jamais. Et encore, je ne vous parle pas du trailer park où je suis allé acheter mon vélo...

Et puis, les taxis, c’est aussi les chauffeurs. Ils ne ressemblent pas aux gens qui fréquentent l’Université. J’en ai rencontré deux sortes. Il y a les latinos affables, dont un va jusqu’à me dire (après avoir appris que j’étais étudiant en droit): Not only are you good looking, you’re smart. I’m old, ugly and dumb. Et il y a les rednecks importés du Midwest: western charm certes, mais aussi en faveur de la guerre en Irak et de la soumission des femmes aux hommes.

E pluribus unum... an oxymoron?
- Chandos

dimanche 14 janvier 2007

Vol de jour

Traverser l’Amérique du Nord en avion, c’est contempler son immensité indomptable. Les paysages se succ dent et semblent pourtant infinis. Tout ce qui change, c’est la couleur: bleu du Lac Michigan, beige des grandes plaines, blanc des rocheuses... et soudain, le désert de la Sonora apparaît, dégradé de gris et d’ocre. Puis ce sont des points verts: les terrains de golf autour de Phoenix. Vue des airs, la ville est l’image du continent, interminable.

L’Aérogare Barry M. Goldwater est un mélange de verri res modernes et de tapis brunasses dignes des années 80. Puis c’est le saut de puce jusqu’ Tucson.

Terrebonne, Thornhill, Tucson ou l’Amérique générique. Du taxi qui avale les kilom tres menant l’University of Arizona, je vois défiler le décor répétitif d’un dessin animé: grands magasins, stations services, motels, pr teurs sur gage... Seuls les cactus, les montagnes et le soleil sont un rappel d’altérité. la découverte des grands espaces!

Extremism in the defense of liberty is no vice.
- Barry M. Goldwater, ancien sénateur de l’Arizona